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Pouvez-vous présenter en quelques mots ?
Je n’ai pas suivi des études artistiques. Je suis
diplômé en télécommunication mais depuis,
je ne me suis guère intéressé au sujet et j’ai
à peu près tout oublié. Ma passion pour le design
vient du fait que j’ai toujours beaucoup dessiné. J’ai commencé
enfant et quand j’ai dû me décider à choisir un
métier, j’ai choisi quelque chose lié au dessin.
J’ai commencé à travailler dans un bureau de composition
; c’est là que j’ai découvert le Macintosh en 1989. Deux
ans plus tard, j’ai acheté mon propre Mac et j’ai commencé
à explorer les meilleurs programmes comme FreeHand ou Photoshop
qui m’intéressaient beaucoup.
Pourquoi avez-vous décidé alors de dessiner
des caractères typographiques ?
En
y repensant maintenant, je constate que j’ai toujours été
fasciné par le lettrage. J’aimais consulter les catalogues de
Letraset et je peux dire que j’ai toujours aimé écrire
et dessiner. Finalement, j’ai toujours apprécié les lettres
pour leur aspect visuel.
Lorsque j’ai découvert FontStudio (le programme que j’utilise
encore, en dépit du fait qu’il ne tourne pas sur les machines
les plus récentes), j’étais fasciné par la précision
que le programme offrait et que son architecture en deux masques (le
fond et image principale) permettait la construction sur le premier
et le dessin sur le second.
Ma première tentative de caractère fut inspiré
par la mode géométrique. J’ai dessiné une fonte
partiellement basée sur les proportion de l’Industria
de Neville Brody en essayant de lui donner un style romain plus élégant.
Ce n’était pas vraiment original mais pas laid non plus. Elle
sera vendue avec une collection que Dirk Uhlenbrock (Fontomas)
a rassemblé au profit d’une organisation humanitaire internationale
en faveur des enfants, Worldvision-Germany. Mon premier caractère
« sérieux » a été l’Ottomat,
disponible chez Emigre, dont le nom original était Tomazooma.
J’aimais beaucoup le nom d’origine mais nous avons dû le changer
pour des raisons légales.
Doù vient votre inspiration ?
On
peut dire que cela varie selon les caractères. Quoiqu’il en soit,
à mesure que j’enrichis mes connaissances et que j’embrasse mieux
la richesse de l’art du lettrage (on peut dire que je travaille maintenant
très sérieusement mes connaissances typographiques), je
vois quelques constantes dans mon travail.
Tout d’abord, même si je travaille sur dessins aux formes atypiques,
je m’attache à faire en sorte que chaque lettre s’accorde avec
les autres, et même, lorsque je travaille avec des dessins étranges,
je fais en sorte que les alphabets soient utilisables comme police de
texte. C’est un défi et une des dimensions qui nourrit mon travail.
Ensuite, j’aime les proportions des caractères classiques, comme
ceux de Garamond ou de Jenson, étant sensibles
aux influences romanes et à celles des cursives de chancelleries
ou des italiques. C’est pourquoi, même dans mes typo bizarre,
j’aime incorporer ces règles subtiles mais fondamentales que
sont le rythme des majuscules et des bas de casse (et vous obtenez cela
en faisant varier l’épaisseur entre une lettre et une autre par
exemple) ou des jambages supérieurs plus grands que les capitales.
Enfin, et cela paraitra plus évident en observant mes créations
commerciales, je suis fasciné par le fait que que l’on peut modifier
la forme d’une lettre sans perdre pour autant son identité. Cela
tient à la mystérieuse transition que nous trouvons dans
l’histoire de l’alphabet, ce passage entre la capitale romaine et le
base de casse. En un mot, j’adore décidé ce qui est haut
de casse et ce qui est bas de casse, en défiant les conventions.
Dernier point, j’essaye toujours de faire mes ’O’ circulaire (rires).
Sur quels projets travaillez-vous aujourdhui
? Et dans un futur proche ?
J’ai
beaucoup d’idées, qui seront développées en leur
temps. D’abord, je travaille à finir deux fontes, Ogilve
et Squatront, qui sont mes premiers caractères (si on
ne prend pas en compte Fear Unknow) dessinée entièrement
sur Mac. Quoiqu’il en soit, elles sont très différentes.
Ogilve sera distribué par Thirstype vers la fin 2002 et
Squatront sera proposé à Thirstype également.
J’ai également le projet de lancer une série de pièces
« promotionnelles » sous la forme de carte postale et de
livret pour chacun de mes caractères. De plus, via Emigre, je
dessinerai un livret dans leur propre collection sur l’Ottomat,
mais cette promotion est financée par Emigre. Ce que j’aimerai
faire ce sont des spécimens, comme ceux que l’on trouvait aux
bons vieux jours de la typographie au plomb ou de la photocomposition,
des spécimens sur l’histoire d’un caractère particulier
et la manière de l’utiliser. Elles seront données aux
personnes qui achèteront la typo, et pas distribuées gratuitement.
Les autres choses sur ma liste, toutes sous mon label Thoughtype sont
: d’abord « Les lettres dans les années 1990 »,
un livre (ou plus) sur les innovations qui ont accompagné la
transition de l’analogique au digital. Beaucoup de personnes ont déjà
collaboré avec leurs typo et leurs articles, en particulier
Miles Newlyn, Paul Shaw, Allan Haley, Barry Deck, Fabrizio Schiavi,
Toby Stokes, Lee Schulz, Nick Shinn et bien d’autres.
Toutefois, la plupart des essais pour le livre, sont encore à
écrire, et beaucoup des caractères de ma sélection
doivent être encore traités. Toute bonne volonté
avec une honnête culture typographique, ouvert d’esprit, qui souhaiterait
participer est encouragé à m’écrire.
Ensuite, je dois finir ma plus expérimentale et néanmoins
la plus lisible de mes typo à ce jour. Elle s’appelle Neoritmo
et a été dessinée en 1996. Elle sera distribuée
par Psy-Ops. Je réfléchis toujours à des revivals
de caractères italiens qui n’existent pas encore en version électronique.
Pouvez-vous nous dire quelques mots du paysage typographique
italien ?
A vrai dire, je ne fais pas de typo commerciales pour
des clients. Sur les designers actuels, je ne vois pas beaucoup de gens
faire des choses intéressantes, à mon humble opinion.
Parce que nous sommes bons amis, je peux citer Fabrizio Schiavi, dont
les premières créations ont été vendues
chez FontShop et T-26. Fabrizio a créé sa propre agence
qui fait du web et de la typo.
Si vous faites référence à la tradition historique,
rien qu’en se limitant au XXe siècle, nous avons le Grand, Aldo
Novarese, qui a passé sa vie entière au dessin typographique.
Une partie de sa production (en particulier les dernières créations)
sont disponibles chez ITC ou Adobe. Toutefois, un bon nombre de merveilleuses
créations de Novarese, Alessandro Butti et d’autres comme Raffaello
Bertieri ou Salvatore Landi sont largement inconnues à l’étranger.
Si nous revenons encore plus en arrière, nous tombons sur Giovan
Battista Bodoni (la version la plus fidèle de sa typo a été
distribué par ITC qui est venue à Parme pour étudier
des documents de première main). Si on remonte encore plus loin,
vers le XVe siècle, on trouve bien évidemment Aldo Manuzio
avec son grand graveur de caractères Francesco Griffo, dessinateur
des alphabets utilisés pour les éditions aldines (certains
de ces livres valent aujourd’hui des centaines de millions de Lires
italiennes).
Egalement, aux origines de l’imprimerie, vers 1465, on
retrouve Conrad Schweinheim and Arnold Pannartz, qui créèrent
à Subiaco près de Rome, la première imprimerie
italienne. Schweinheim and Pannartz, quoique n’étant pas italiens,
furent les premier à graver un caractère qui peut être
considéré comme un hybride entre la lettre gothique et
la forme romaine. C’est en fait le premier prototype de caractère
romain, qui prendront leur forme définitive dans les mains de
Nicolas Jenson, Claude Garamond et leurs successeurs.
Article associé: Neoritmo,
portrait de caractère (Mai 2002).
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