Planète typographie MyFonts
Thierry Puyfoulhoux

 

[Février 2006]
“Vous ne dessinez pas les signes noirs sur la page, mais les blancs qui les entourent.”
Erik Spiekermann


Fontfont.com

Qu’est-ce qu’ “United Designers”. Une agence de design graphique traditionnelle ou quelquechose de différent ?

Il s’agit d’un réseau de designers répartis à travers le monde; c’est aussi une société berlinoise avec sept associés et vingt designers. Ce bureau est le noyau d’un plus grand réseau que nous envisageons.

Pouvez vous présenter votre travail pour la Deutsche Bundesbahn (SNCF allemande) ?

Deutsche BundesbashnNous avons conçu un système graphique complet il y a deux ans sur la base de la charte graphique de l’époque. Nous avions utilisé l’Helvetica et rationalisé tout leur production imprimée. Nous avons rendu une charte très détaillée avec des templates et en quelques semaines, tout ce qu’ils ont imprimé semblait au moins clair et homogène, à défaut d’être très excitant.

Qu’est-ce qui fait qu’un caractère est bon ?

1. Ce qui fait un bon caractère n’est pas décidé par le designer mais par les utilisateurs.

2. La plupart des bons caractères ont été dessinés avec un but précis, ils ne viennent pas de l’esprit d’un dessinateur.

Les Bodoni ont été dessinés pour des livres particuliers,
Le Times a été dessiné pour un journal.
Le Frutiger a été dessiné pour la signalétique de l’aéroport Charles de Gaulle,
L’Helvetica pour satisfaire les besoins de certains graphistes,
Le Bell Gothic a été conçu pour les annuaires,
Le Gill pour les enseignes de magains,
Le Century pour un magazine,
Le Meta pour la poste allemande.

3. Il existe certaines règles de perception et de traditions culturelles auxquelles doit se conformer le caractère.

4. Il doit presque ressembler aux autres, mais...

5. ...être un peu différent.

Vous avez dessiné de nombreux caractères? Quel est votre favori ?

ITC OfficinaITC Officina continue de bien marcher visuellement. Alors que le FF Meta était très atypique à l’époque (1985) et a été de nombreuses fois imités depuis, l’Officina est mon grand classique. Il est fondé sur l’idée qu’un caractère pour la correspondance devait avoir certaines des qualités d’un caractère de machine à écrire sans les inconvénients des caractères dit “monospace ”. Fondamentellement, l’Officina est ma relecture du Letter Gothic.

Sur votre blog, vous publiez une compilation de vieux spécimens de caractères ? Est-ce que vous regrettez de temps en temps l’époque du papier ? Qu’avons-nous perdu avec l’avènement du tout digital ?

Le toucher, l’odeur et le ressenti. Trop de précision peut engendrer de la froideur.

Vous dites que le graphisme n’est pas un art parce qu’à la différence de l’artiste qui travaille pour lui-même, le graphiste travaille pour un client. Avez-vous déjà essayé de créer un caractère pour votre propre plaisir ou par recherche artistique ?

Non. Excepté peut-être mes premiers caractères, Berliner Grotesk et LoType, que j’ai dessinés parce que les vieux caractères au plomb n’étaient pas disponible en photocomposition dans les années 1970. Il n’y avait pas de raisonnement marketing derrière, juste mon amour pour ces caractères que j’avais l’habitude d’utiliser dans mon atelier d’imprimerie.

Ne pensez-vous pas que quelque chose conçu dans une optique utilitariste peut être apprécier en tant que tel ? Une affiche de Cassandre par exemple (cf l’exposition que lui a consacré la BNF), conçue avec un but précis (disons, encourager les gens à prendre le bateau pour aller à New York), peut être affichée dans un intérieur... juste parce qu’elle est belle…

Je suis d’accord. Nous avons la responsabilité d’ajouter une dimension esthétique une fois que nous avons résolu le problème commercial. Ensuite, lorsque le problème est oublié, la beauté subsiste.

Pour conclure, la chose IMPORTANTE que chaque étudiant en typographie devrait connaître selon vous ?

Que vous ne dessinez pas les signes noirs sur la page, mais les blancs qui les entourent.


Article associé: FF Meta, portrait de caractère (Février 2006).