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Manuale typographicum

Emile Ruder

n matière typographique, la fin du XXe siècle a été marquée par une explosion créatrice sans précédent. La mise à disposition au plus grand nombre des techniques complexes de la typographie par le biais de l’informatique, a en effet permis l’avènement de ce que l’on pourrait appeler un véritable “nouveau (dés)ordre typographique”. Autrefois, la typographie était considérée comme un art, se pratiquait avec des outils complexes et était pratiquée par des spécialistes. Aujourd’hui elle reste un art, mais jongle avec des outils abstraits, des ordinateurs et des logiciels sophistiqués. De plus, elle est de plus en plus le fait de non-spécialistes, venus à la typographie avec la vulgarisation de l’informatique. L’image de la typographie est passée d’un artisanat à une dimension sociale, culturelle, technique et artistique plus poussée.

Concrètement, cela s’est traduit par une explosion de la création de polices de caractères codées numériquement de qualité variable. Cette abondance, et la facilité d’utilisation des logiciels de PAO de type PageMaker, Xpress voire Word a dans un premier temps engendré un déferlement créatif, qui a malheureusement eu pour conséquence un appauvrissement de la qualité typographique. Pourtant, la médiocrité d’ensemble de ces travaux sont plus imputables au manque de formation qu’à la technologie elle-même.

Paradoxalement, cette maturité s’est accompagnée d’un retour à un certain conformisme. Rejetant les possibilités créatrices des nouvelles polices mises à leur disposition, les graphistes ont aujourd’hui massivement recours aux polices qui ont fait les beaux jours de la typographie du milieu de notre siècle. Si on est loin de la véritable domination, tyrannie ont dit certains, qu’a exercé l’Helvetica dans les années 1950 à 70, il n’en reste pas moins que les caractères dominants dans la publicité contemporaine datent en moyenne d’une cinquantaine d’années. Des études datant des années 1990 à 1992, réalisées sur des publicités, ont montré la prédominance de polices comme le Futura, l’Univers, l’Helvetica, le Times, le Bodoni ou le Garamond.

Cette monotonie typographique est pourtant dommageable, surtout quand on réfléchit à l’impact d’une typographie originale dans l’inconscient du lecteur et du surfeur ! Il faut donc que le typographe, reprenne à son compte la citation d’Emile Ruder (Typographie, 1967) et ouvre ses horizons…